La cuisine
Théâtre 2.21, Lausanne
21.02 - 07.03.19


Avec la participation de l'ensemble des artistes de la programmation 2019

Pour le premier épisode de l'année, nous avons souhaité réfléchir à la "règle", et en particulier à ce que ça dit de la transgresser dans le processus de création.

Alors que nous avions d'abord prévu de partager l'année en quatre épisodes connectés entre eux et liés par une même idée générale, il nous a paru difficile de le faire sans que les protagonistes de cette programmation ne se soient au préalable rencontré·es, et aient échangé avec nous leurs impressions, leur doutes, leurs idées sur la nature du projet.

C‘est la raison pour laquelle les cartes ont été remélangées, et les règle de notre propre « jeu », justement, changées. Le premier épisode est devenu prélude, et l‘ensemble des artistes de la programmation a été invité pour partager avec nous une série de trois repas, que nous leur avons conconctés dans la cuisine du Théâtre 2:21, à Lausanne. Ces repas ont permis de créer un échange sur la nature du projet, et une prise de contact et de conscience générale sur les buts qu‘il poursuit.

La cuisine, c'est le cadre, elle nous accueille parce qu’on s’invite en elle, on s’en sert comme support, aussi comme décor. Elle s’anime, s’ingère, se digère. Nous avons toujours dit qu’elle était l’un des centres que nous invoquions, qu’elle occupait une place importante sinon primordiale dans la vision que nous avions d’un espace à faire et à vivre. C’est pour cette raison que nous avons choisi de l’investir pour ces trois premiers soirs, trois fois, trois recettes. Les êtres et énergies réunies autour de sa table sont autant d’ingrédients que nous souhaitions voir se côtoyer sans en connaitre les goûts.

Nous étions ces trois soirs les mains de cette cuisine. Avant l’heure dite, nos huit mains ont tout d’abord entamé le ballet gestuel, en se basant sur la partition si exigeante de la polenta, elles ont saupoudré à grands bras, brassé circulairement avec des à coups secs et latéraux. Ces gestes exigeants, timides, puis de plus en plus automatiques mais éreintants rythment nos échanges verbaux au sujet de nos doutes et nos motivations, nos envies et nos peurs. La cuisine est double, elle nourrit nos réflexion avant de suivre ensuite le partage de celles-ci.

Nous étalons ensuite la pâte de maïs sur les plaques de four afin de la faire griller, nous parlons de plâtre et faisons de parallèles entre les gestes culinaires et ceux de nos pratiques artistiques, des moments de préparation, de montage, de dressage et de partage.

Avant de s’assoir, servir du vin, servir le repas et le commencer, nous nous découvrons toutes autour de bières et de chips. La position debout permet d’avoir l’idée de la possibilité de partir sans être vu·e, les chips règlent des gestes mécaniques et distraits qui meublent l’espace physique et sonore. Nous reparlerons beaucoup de ces personnages récurrents des vernissages qui assurent une certaine contenance. Nous dirons que c’est en même temps dommage et en même temps essentiel d’avoir un refuge, appuyé·e au bar, une bière à la main, puis des chips, dans un environnement si neutre.

La cuisine se demande ici si elle n’est pas une excuse pour un décor, édulcorer, ne pas qu’elles se sentent toutes nues.

Lorsque l’on partage un repas celui-ci est un support auquel se rattacher, en parler si les paroles manquent, l’odeur, le goût, la recette, autant de mots auxquels relier des anecdotes, des ressentis.

Nous reparlons des échanges autour d’un repas ou d’une exposition, nous parlons de la question du plaisir au-delà d’aimer ou de ne pas aimer le goût mais aussi le fait de se nourrir et d’avoir un cadre pour alimenter une discussion, digresser et pourvoir revenir au goût. Quelqu’un dit qu’il regrette de devoir se tenir debout lors des vernissages. Nous parlons de se sentir plus inclus·es assis·es autour d’une table mais aussi plus cerné·es, moins libres de s’esquiver. Nous parlons aussi de l’importance de la phase de préparation, de découper, goûter, rajouter, portionner et des dynamiques que cela crée de partager la préparation.